Depuis un an et demi, un curé de choc redonne vie à la paroisse de Rocamadour, dans le Lot. Mais le père Ronan de Gouvello ne pourrait rien sans l’enthousiasme
de paroissiens qui ne demandaient qu’un berger capable de les réveiller. Reportage lors de la procession des marins en l’honneur de la Vierge noire de Rocamadour, le 8 septembre dernier (Nativité de la Vierge).

C’est la fin de la messe. Sur le parvis de
l’église de Rocamadour, Marie-Françoise
Gauthier – petit bout de femme
éternellement souriante et branchée sur 1000000 volts – nous fait découvrir l’exceptionnelle vie religieuse de Rocamadour : « Ronan est parvenu
à réunir les générations sur le chemin de
la foi. Des dizaines de jeunes ont fait l’an dernier le pèlerinage en vélo, montant l’escalier de Rocamadour avec le VTT sur les épaules ! En même temps, les TTV [NDLR : les Très très vieux, comme les appelle le facétieux curé de 32 ans] ont repris goût à une liturgie plus traditionnelle, avec le salut au Saint-Sacrement, des journées mensuelles de récollection autour des grandes figures de l’Eglise… Ronan a aussi
lancé les universités d’été catholiques. On a
parlé de lui dans La Croix et La Vie » (“excatholique”, nous précise un sexagénaire à l’oeil pétillant et au verbe dru, se lançant dans la conversation).
Arrivés au début de la célébration de la semaine mariale, nous assistons à une messe dans une basilique Saint-Sauveur incapable d’accueillir

tous les fidèles : certains se pressent sur le parvis ! S’il est un excellent compagnon, amical et
familier avec les plus jeunes, à l’écoute des
mémés en colère et des grenouilles de bénitier
qui viennent se plaindre de tout et de rien auprès
de lui, le père de Gouvello est aussi un vrai
prêtre, détenteur du sacré, littéralement transformé
par sa charge durant l’office. Mais pardessus
tout, il est un berger passionné et conquérant,
capable de mobiliser tout le monde, au-delà
de sa paroisse et jusqu’aux autorités laïques de
Rocamadour, pour réaliser les projets qui lui
tiennent à coeur.


3 € pour restaurer 1 cm du chemin de croix


Tout au long de l’année, il organise animations,
conférences, célébrations… Et les fidèles, qui
ne demandaient que ça, affluent, l’enrichissent
lui aussi, lui donnent des idées, le soutiennent.
Une messe est assurée tous les jours à 11 h. Une
découverte des sanctuaires de Rocamadour est
proposée aux touristes et aux pèlerins. Une
grande caisse, en bas du chemin de croix menant
au château de Rocamadour, invite les passants à
donner « 3 €, pour restaurer une bande de route
de 1 cm » : la restauration du chemin de croix est
l’une des grandes préoccupations de Ronan. Il a
également relancé les ancestrales processions
aux flambeaux de Rocamadour empruntant la
Voie sainte et le grand escalier des pèlerins deux
fois l’an. Toute la semaine, logés au Sol del Pech,
dans un gîte isolé appartenant à Marie-Francoise
Gauthier et son époux – paroissien de choc lui
aussi – nous assistons à la mise en place de la
deuxième procession, celle du 8 septembre (la
première se déroulant le 14 août). Chaque jour,
nous croisons des voisins délicieux, comme
Sibyle, une adolescente qui a décidé de se faire baptiser suite à un “pélé VTT” organisé par
Ronan. En aube blanche, elle participera
à la procession.
Ici, tout se fait dans la bonne humeur et la joie de vivre. Clet Gauthier participe au conseil économique du diocèse de Cahors après une carrière passée dans l’industrie ; mais ce géant bon vivant peut aussi conduire une jeep pour aller chercher, chez le maire d’un village voisin, les grilles et le matériel indispensable au barbecue qui précédera la procession.
Le 8 septembre, tout le monde est prêt. L’après-midi, une Marie-

Françoise pimpante et toute excitée, nous emmène à Rocamadour, pour rencontrer Jacques-Patrice Bamberger, qui offrira ce soir le “Red Atao”, une maquette de langoustier devenue ex-voto, en remerciement à Notre- Dame de Rocamadour. Son histoire est proprement miraculeuse. Suite à un accident de voiture, il a la cage thoracique défoncée, de multiples fractures et tombe dans le coma, proche de la mort clinique. Son épouse, quoique à un degré moindre, est dans un état grave. Encore handicapée, elle se plaint en outre de douleurs dans la nuque. Le chirurgien constate un traumatisme
du rachis cervical : autrement dit, le “coup du
lapin”. Elle devrait être morte. Malgré une chute
de civière en allant se faire opérer la nuque, elle
s’en sort et peut se joindre à la chaîne de prière
de 400 personnes qui supplient Notre-Dame de
Rocamadour de sauver son mari, dont le cas est
désespéré selon la médecine. Aujourd’hui, les
deux époux sont sur pied, totalement remis, et
rendent grâce à la Vierge noire.
Après un pique-nique animé par le prêtre, autour
duquel tous les jeunes (et moins jeunes) se bousculent, la foule part en direction de l’Hospitalet, où les pèlerins jadis, faisaient une pause avant de gagner Rocamadour. Le cortège dirigé par le clergé, suivis de marins pêcheurs, d’une délégation des marins de Moissac et de quarante fusiliers marins représentant la marine nationale, marchera aux flambeaux, en chantant et
priant jusqu’à la chapelle Notre-Dame, où sera
effectuée la remise de deux ex-voto restaurés et
la pose du “Red Atao”. Deux heures durant, sous
les yeux des touristes ébaubis mais généralement
sympathiques, des centaines de fidèles ont
marché puis assisté à une messe en plein air,
dans une ambiance surréaliste de ferveur et tout
à la joie de communier ensemble. Grâce aux
efforts conjugués d’un jeune prêtre gonflé à bloc
et de ses paroissiens au coude à coude, Rocamadour
a cessé d’être un lieu touristique pour redevenir un sanctuaire de la foi. On prie, on chante, on sourit. On est bien.
P. Cousteau et T. Zyma

Université d’été de Rocamadour:
réservée aux jeunes bacheliers (ou équivalents)
et jeunes professionnels (18-35 ans).
Rens. : 05.65.35.13.33. Site Internet :
www.theoroc.com
Gîtes du Sol del Pech. Marie-Françoise et
Clet Gauthier,Tel. et Fax. : 05 65 38 77 89,
Le Sol del Pech - 46500 Carlucet, courriel : gauthierclet@ aol.com

 

monde et vie . 23 septembre 2006 . n° 768
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